Nihilis Cursemaker [partie 3 de...]

Ma convalescence, si on peut l’appeler ainsi, dura plus d’un mois. Le processus de décomposition semble s’être arrêté au milieu de la première semaine, n’épargnant pas toutefois mes jointures et laissant apparaître, saillante et comme menaçante, ma colonne vertébrale du croisement des omoplates au creux de mes reins. J’endurais un véritable supplice lors de la cicatrisation des chaires autour de ma colonne à nue, la démangeaison conviant à la douleur. Mais bien pire furent mes premiers pas hors de mon lit, qui se résumèrent d’ailleurs à ramper plus qu’à marcher. Nombre de muscles ayant été…liquéfiés…mes fonctions motrices s’en sont trouvées changées, radicalement. Il m’a par conséquent fallu réapprendre à marcher, en apprenant à utiliser certains muscles plutôt passifs habituellement. Ce qui occasionna, dans les moindres des cas, des crampes d’une intensité inimaginable, ou dans les pires, la rupture pure et simple de tel ou tel tendon. Mais grâce aux soins et potions d’Arlan, je guérissais extrêmement vite. Et force m’était de constater que mon corps semblait…plus robuste, plus combatif dans un sens, me donnant parfois l’impression, qu’animé d’une volonté propre, lui aussi était révolté de ce qui lui arrivait, et qu’il le combattait avec rage.

L’esprit le plus noir n’est pas le moins apte à l’apprentissage ou à l’obstination. C’est ce dont je m’aperçus durant les premières semaines de mon éducation aux dures et strictes lois de la Démonologie, de l’Affliction et de la Destruction. Plus j’avançais à tâtons dans la pratique démonologique, plus mon cœur et mon esprit s’emplissaient-ils de noirceur, d’une lancinante douleur spirituelle que plus rien ne saurait soigner. Ce que j’apprenais servirait à tuer !! Et je voulais que dans mes sorts mêmes soient condensés mon désespoir, ma douleur, ma haine et ma soif de châtiment ! Arlan remarqua ma prédilection pour la souffrance lente, mes expressions contemplatives devant l’agonie interminable d’une proie ne laissant par ailleurs aucun doute à ce propos. Mais il remarquait aussi et surtout mon complet repli psychologique, les silences entre nous se prolongeant parfois jusqu’à des jours entiers, si on exceptait les explications d’Arlan. Il m’enseigna cependant plus avant la pratique de l’Affliction, la Mort Rampante comme il se plaisait à la nommer, avec toujours plus de rigueur, toujours plus de sévérité. Arlan se montra parfois tyrannique à mon égard, me forçant à concentrer mes traits d’ombre jusqu’à que ma chair en flétrisse, m’immolant partiellement en cas d’échec ou me hurlant dessus comme si j’étais la dernière des immondices. J’endurais néanmoins tout, sans jamais rien dire, canalisant dans mes entrailles ma rage et mes frustrations, jusqu’au jour où elles exploseraient.

Et ce jour vint.

Le contrôle de mon premier démon, un diablotin nommé Garqua, s’était révélé efficace au point que celui-ci, pourtant de nature râleuse, n’osait plus même marmonner lorsque je faisais appel à ses services, et ce en l’espace de cinq jours. Arlan commença alors à évoquer de possibles sorties solitaires pour moi. Mon apprentissage et ma convalescence lui avaient pris beaucoup de temps sur des missions officielles qu’il devait accomplir pour la capitale des Réprouvés, Undercity. Il me dit alors que si je pouvais m’acquitter de quelques unes de ces menues missions, il serait plus en mesure d’assurer pleinement mon éducation. Il m’envoya parler à différentes personnes, me fit livrer messages et paquets pendant deux larges semaines, manœuvre que je soupçonnais fort de n’être que dans le but de me forcer à rencontrer d’autres…morts, à leur parler, à me rendre compte plus instamment de ma situation. Et la stratégie fonctionna à merveille même si les premiers contacts s’étaient avérés brefs et totalement abjects, passant du vieillard vomissant ses propres intestins et qui avait besoin d’un remède à l’ancien combattant sans bras, sans jambes et qui avait juste besoin d’un peu de conversation et de quelques menus services. J’appris beaucoup du second, parler avec lui m’avait fait récupérer une minuscule part d’humanité que je vis en lui, tandis que le premier finit immolé sur les ordres d’Arlan, plusieurs remèdes n’ayant eu aucun effet.

La douleur ne devait pas être éternelle disait-il.

Je l’achevais donc, alors que me voyant arriver, des tréfonds de sa folle agonie il crut voir revenir celle qui lui apportait finalement le remède. Il ne fut pas celui qu’il attendait certainement. Je contemplais la souffrance dans ses pupilles dilatés et ne quittais son regard que lorsque je vis distinctement qu’il avait compris que, cette main levée où brûlaient des flammes n’était pas celle qui le sauverait, et que ce sourire était surmonté par des yeux où se consumaient les ombres mêmes. Je ne tenais pas à rendre service à cette immondice, je ne l’ai donc pas fait. Je voulais qu’il préfère une infinie souffrance plutôt que de mourir de ma main, plutôt que de…

Alors que le corps tressautait encore sur le parquet en proie à des spasmes de douleur, un éclair sorti de ma main sembla se mêler au corps devant moi, perforant la poitrine du vieillard et irradiant tout son être jusqu’à en faire apparaître l’ossature par transparence !

J’avais déjà vu un éclair de cette sorte, mais il avait été envoyé par Arlan et le sien était vert, celui-ci est…rose. Je ne compris qu’au dernier instant ce qui se passait, le corps en flamme du vieillard se dressa dans une dernière impulsion, sa main droite tendue dans ma direction, en signe de supplique, dérisoire et pathétique ; et je compris qu’au moment de mourir lui comme moi savions que je lui prenais son…âme !! Je m’assis sous le choc, abasourdie par une telle jouissance spirituelle. Et je me mis à rire pendant de longues minutes, de manière incontrôlable. Le petit cristal que je découvris dans ma main ne me laissait aucun doute quant à sa provenance. J’avais condensé une âme !

Je partis sur le champ trouver Arlan, le pressant de questions, le suivant pas à pas partout pendant des heures afin qu’il me réponde, qu’il me dise comment l’utiliser, car je savais que je pouvais le faire. Et pouvoir disposer de l’âme de mes ennemis et les transformer en cela même qui les a détruit était mon souhait le plus cher ! Arlan finit par craquer et m’expliqua patiemment et longuement comment et pourquoi utiliser le siphon d’âme, en quoi cela serait nécessaire à l’utilisation de certains sorts et pour l’invocation d’autres démons. Il me détailla les démons susceptibles d’être contrôlés, selon la maîtrise possédée, leurs avantages et leurs défauts, leur précaire servilité ou le danger à les utiliser. J’étais submergée de nouvelles informations, l’excitation qui grandissait au fur et à mesure des explications fit peu à peu place à de l’impatience. Je voulais apprendre tout ça, tout ça !

J’en étais encore à faire virevolter dans ma tête les paroles d’Arlan lorsque celui-ci, après un long silence, prit le ton le plus grave pour me dire :

« _ Méfie-toi, petite…Tu ne sauras jamais disposer d’un parfait contrôle sur les forces que tu manipules. La discipline de l’Ombre est implacable. Fais-y défaut et tu seras engloutie, sans espoir de retour cette fois. Tu apprendras, j’en suis sur, à maîtriser pleinement bon nombre de sorts, tu es déterminée ; j’ai vu en toi une souffrance si intense que la douleur physique ne semble plus rien signifier ; elle ne peut rien signifier. On n’apprend pas à maîtriser la souffrance sans en avoir vécu sa part n’est-ce pas ? »

Il me regardait droit dans les yeux, l’air presque minéral dans son immobilité, la faible clarté du jour mourant à travers les vitres lui conférant un aspect si sombre et si rigide que cela me fit frissonner. Il reprit après un profond soupir, teinté d’un léger grondement, une intimation subtile au silence absolu :

« J’imagine la noirceur qui habite ton cœur, ton âme ! Je la sens. Cette noirceur est néfaste et inutile. Si tu ne t’en prémunies pas tout de suite, je te le répète, l’Ombre t’engloutira et tu seras recrachée dans les Légions Ardente, esclave jusqu’à ta destruction, condamnée à une souffrance sans fin ! Et ce jour là tu m’aurais pour ennemi juré… »

Il ponctua cette remarque d’un sourire sardonique et d’un regard foudroyant de bestialité.

« Mais ni toi ni moi ne voulons que cela arrive, n’est ce pas ? Il te faut un allié à ta mesure, je crois savoir ce qui te correspondra. »

La phrase mourut sans plus d’explication. Arlan fourragea dans un tiroir d’où il tira une pipe et une blague de feuilles séchées. Le bourrage terminé il s’était abîmé dans une profonde réflexion, me laissant tout à fait perplexe à mes propres pensées. Je faillis enchaîner :

« Et… »
« D’abord il va falloir penser à te trouver un nom, petite. Ce sobriquet devient pénible à la longue, tu ne trouves pas ? »
« Si, mais ce que… »
« Donc quel sera-t-il ? Pas l’ancien je suppose…non, non, ça ne conviendrait pas…voyons… »
« Et si… »
« Nous verrons ça demain ! La journée sera longue pour toi et moi j’ai quelques babioles à récupérer dans la soirée. Relis ces grimoires, ça ne peut que t’être utile, et souviens toi bien de ce que je t’ai dit : ne laisse pas l’obscurité t’emporter complètement ; de la lumière naît l’ombre, ne l’oublie jamais. »

Arlan me laissa seule sur ces paroles et parti à dos de cheval pour une de ses missions nocturnes. Je relus quelques parchemins, compulsait paresseusement un grimoire qui traitait de « Pratiques interdites de l’Agonie » mais l’envie n’y était pas. Mon esprit était accaparé par les mises en garde d’Arlan. Si brèves avaient-elles été, elles n’en restaient pas moins préoccupantes, pour ne pas dire inquiétantes si l’on considérait la manière de les exposer. Je n’avais jamais perçu autant de froide noirceur chez Arlan jusque là, si je devais m’éloigner de la voie qu’il m’a prescrite, il me détruirait, corps et âme.

Je m’assoupis sur ces sombres pensées.

Le lendemain fut effectivement une journée des plus chargées. A l’aube frémissante, nous partîmes accompagnés par les railleries des premiers vols de corbeaux en direction des Clairières de Tirisfall, ce qui représentait deux bonnes heures de marche. Mais le voyage s’avéra plus long que ce que je croyais. Arlan nous fit faire halte à mi-chemin d’Undercity, en pleins bois. Il abattit une pluie de feu sur un large cercle afin d’en éradiquer toute forme de vie et ainsi ne pas être dérangé pendant :

« L’asservissement du Marcheur Ethéré, petite ! C’est la leçon du jour ! Au fait et ce nom, où en est-ce ? »
« Eh bien, c’est à d… »
« Oui enfin, pour le moment ça ira ! Je disais donc, l’asservissement du Marcheur Ethéré. Voici l’incantation, sur ce parchemin, mémorise la et brûle la. Puis procède à ton incantation. J’ai longuement évoqué hier les capacités de ce démon. Il provoquera ta colère, ne le laisse pas faire, à toi de trouver comment. »

Loin d’être satisfaite par les explications de la veille qui s’étaient surtout attachées à l’histoire de l’utilisation de ce démon, sa provenance mais pas vraiment sur son emploi, je me mis néanmoins à mémoriser l’incantation. Arlan m’ayant déjà mis en garde contre le marmottage de formule, je le faisais mentalement, une expérience douloureuse ou deux m’ayant appris bien vite à respecter cette discipline. Mais je ne parvenais pas aisément à me concentrer, le peu d’explications me laissant suspicieuse. La formule apprise, je la brûlais et fit signe à Arlan que j’étais prête. Il traça un cercle sur le sol puis se retira à quelques pas de là, me laissant à ma tâche.

Je débutais alors l’incantation, la lumière m’inondant tandis que je psalmodiais dans une langue abyssale l’appel au démon Arpenteur du Vide. La main gauche brandie afin de mieux maîtriser la canalisation d’énergie de l’Ombre, je continuais l’incantation et sentais une présence s’affirmer, noire et…Je compris lorsqu’il apparut, le Marcheur Ethérée environné d’Ombre fumante, je compris quel était son pouvoir. Il s’insinua en moi immédiatement et m’enivra d’une rage incontrôlable qui me fit bondir férocement dans sa direction, mon mince bâton en mains. Il provoquait par son pouvoir d’empathie des sentiments tellement contradictoires que je ne voulais que le réduire en bouillie de mes propres mains. Ce que je me mis à faire au bout d’un court instant, lançant mon bâton au loin et m’attaquant à mains nues au Marcheur. La frénétique rage qui s’était emparée de moi, les coups que m’envoyaient le Marcheur de ses mains griffues, le caractère totalement incontrôlable de la situation me firent hurler de peur et de désespoir. Titubante, ruisselante de sueur et de sang mêlés, je repris mes esprits à la vue d’un marcheur effrayé courant en tout sens. Et j’usais de mes pouvoirs de corruption et d’agonie, puis je l’immolais et ne bougeais plus. Le Marcheur chargea de nouveau, je restais les bras le long du corps tandis qu’il me frappait et qu’il essayait de commander à mon agressivité, mais je résistais. Il redoubla ses efforts pour m’obliger à la fureur, me frappa sans cesse. Mais les malédictions lancées l’avaient profondément blessé, et c’était maintenant sa propre rage qu’il exultait. J’étais presque à genou sous ses coups lorsqu’il s’inclina face à moi, s’avouant vaincu, et me jurant dans un long et rauque soupir une fidélité éternelle.

Je me tournais vers Arlan qui me regardait, le sourire aux lèvres. J’avais peine à tenir debout, les gouttes de sang perlant à mon arcade sourcilière, mais j’étais heureuse. Dieux d’Azeroth, depuis tout ce temps, j’étais heureuse ! Pas d’avoir réussi l’épreuve, mais de l’avoir comprise ! D’avoir compris ce qu’était l’essence même de l’Ombre, ce sentiment absolu et écrasant, cet infini tourment était…

« Tristesse ? Ce démon est triste…il est triste ! »

J’avais les yeux pleins de larmes, imprégnée jusqu’au fond de moi par la détresse que j’avais senti dans le démon. J’étais parvenue à contrer ses attaques mentales parce que je l’avais sentie, et j’en avais éprouvé…de la compassion. Une petite part de lumière sur toute cette obscurité, et voilà cette dernière à l’agonie. Je saisissais clairement à présent la signification des paroles d’Arlan de la veille au soir. Il faut une part de lumière à l’ombre pour qu’elle existe, sinon il n’y a que le néant…absolu.

Arlan vint à moi, observa mon démon et s’apprêta à parler lorsque je le coupais :

« Makmon, il s’appelle Makmon. Je sens que nous allons passer du temps ensembles…Alors nous avons déjà fait les présentations. »
« Cela signifie-t-il que… ? »
« Oui moi aussi, j’ai un nom à présent… »

Je souris de manière énigmatique à Arlan.

« Disons qu’il a fait son apparition dans mon esprit lors de notre petite confrontation…mentale. Il s’est pour ainsi dire imposer en un souffle, est-ce Makmon qui l’aurait prononcé ou bien un fragment de mon propre esprit, je ne saurais le dire, mais en tout cas c’est exactement ça ! »
« Eh bien, quel est-il ? »
« Nihilis ! Car j’ai senti le néant, et que je suis celle qui croit et qui croira toujours en lui… »

Arlan était interloqué par cette affirmation, je laissais délibérément un blanc suffisant pour qu’il tente de prononcer un mot et je le coupais net :

« …même si je ne souhaite pas son avènement. »

Je ponctuais d’un léger clin d’œil.

Je ramassais mon bâton et remarquais un air satisfait prendre la place du doute sur le visage d’Arlan. Nous nous remîmes en route et marchâmes en direction d’Undercity lorsque Arlan éclata soudain de rire, et se tournant vers moi :

« Nihilis alors ? Hahaha, très bien Nihilis ce sera. »

Il m’agrippa par les épaules, l’air fier de lui :

« Oh j’ai pensé à un complément, depuis longtemps déjà. Il conviendrait parfaitement à mon sens, étant donné ta prédilection pour les sorts de la Mort Rampante. »
« Eh bien, dites toujours… »
« Cursemaker ! La Faiseuse de Malédiction ! »

J’allais lui répondre lorsque je vis son sourire et son regard se figer tandis qu’une giclée de sang m’atteignait au visage. Une flèche venait de lui transpercer la gorge, déchirant son œsophage. Arlan s’effondra à genoux devant moi dans un gargouillement de sang, une autre flèche se planta dans son dos, et une autre, puis je vis apparaître le meurtrier, rapide et brandissant une longue épée. Il frappa de toutes ses forces et entailla Arlan de l’épaule au sternum, déchirant son torse dans un dernier coup de pied pour dégager son arme. Sang et boyaux se mêlaient aux feuilles sur le sol au milieu des éclats de cage thoracique, formant un entrelacs cernant mes pieds et ceux du chasseur Elfe en face de moi.

Je me dis que la situation était plutôt délicate en voyant un tigre approcher derrière le chasseur et ce dernier pointer son arc en direction de ma tête…


[à suivre…]

...Mercredi 11 00 remise des serveur
mais avant que faisions ous et beh je regarde votre fofo ...Ok j'arrete
GG nihilis pour cette bellllle histoire et ivement la suit :p

C'est digne du King tout ça
J'adore comme d'habitude

Superbe, comme d'habitude

Et tu oses dire que mon histoire a de l'avenir??En ce qui concerne la tienne...Impressionant...du style...les mots me manquent,je suis simplement admiratif!A quand la suite?

Mici c'est gentil^^

La partie 4 est dispo, quant à la 5 je me tâte afin de savoir quelle direction ça va prendre. Je pense que ça devrait être un récit de la phase "pex and discovery", donc assez fandard par rapport aux premières parties...enfin je sais pas encore pour le fun, j'hésite avec le glauque en fait...un mélange humoir noir peut être? 'fin on verra^^